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1 / Lettre du syndic (maire / bourgmestre) de Lausanne en réponse aux questions de M Jacques Badoux

2 / Réflexions argumentées de M Philippe Carron

Ci-contre : Courrier du syndic de Lausanne, courrier de la mairie de Genève, considérations de Philippe Carron.

1/ / Lettre du syndic


                   Lausanne, 21 juin 2018

Monsieur,

Je vous remercie pour votre lettre du 6 courant, dont le contenu a retenu toute mon attention. Permettez-moi tout d'abord de partager votre constat. Notre société fait face à une anglicisation importante, à différents niveaux. L'anglicisation des terminologies accompagne l'évolution et les innovations dans de nombreux domaines des sciences, de l'économie, de I'informatique et des télécommunications, ou encore des loisirs.

La prolifération des anglicismes entraîne un risque d'appauvrissement de la langue française auquel la Municipalité est particulièrement sensible. Face à ce constat, la Municipalité se doit d'agir avec les compétences qui sont les siennes. Dans la mesure du possible, la Municipalité tient ainsi à ce que I'administration se détourne des anglicismes pour l'ensemble des activités publiques qui sont siennes, en particulier les manifestations et les écrits.

ll faut toutefois constater que la langue française ne Gesse d'évoluer et continue de se métisser. En particulier dans les domaines de la technologie, certains termes anglais font désormais partie de notre langue. Les messages publicitaires répondent quant à eux aux exigences particulières des affaires. lmposer à des entreprises de communiquer en français lors de manifestations sur le territoire de la commune serait clairement contraire à liberté économique garantie par la Constitution.

Comme vous, je pense que Ia législation fédérale et cantonale se doit de défendre l'usage du français et des autres langues nationales. Cela passe également par une position forte de la Confédération et des cantons en faveur de l'enseignement prioritaire des langues nationales à l'école. La Ville de Lausanne s'emploie quant à elle à développer des partenariats avec diverses régions francophones, en particulier au sein de l'Association internationale des maires francophones (AllVlF), réseau mondial des élus locaux francophones. Lausanne préside la commission Villes et développement durable de cette organisation, qui participe concrètement au rayonnement de la langue française et de la culture francophone dans le monde. En espérant avoir répondu à votre attente, je vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

Le syndic : Grégoire Junod

Hôtel de Ville place de la Palud 2 cp 6904 - 1 002 Lausanne tét. 02't 315 22 01 fax 02't 315 20 03 cd@lausanne.ch


2 / Réflexions de M Philippe Carron


 l’adresse des Municipalités de Lausanne, de Genève et de la classe politique romande accusées de coupable inaction et d’inexcusable lâcheté…

Mesdames, Messieurs,

Comment peut-on prétendre œuvrer pour le bien de la « chose publique » alors qu’une cécité incommensurable vous empêche de voir ces énormes bancs de « silures » anglo-américains qui crèvent pourtant les yeux tellement leur omniprésence est devenue étouffante et abrutissante sur la scène romande ?
À la lettre de l'un de nos membres -  M. Jacques Badoux de Lausanne - qui se rebelle à juste titre devant l’anglicisation effrénée de Lausanne, le syndic, M. Grégoire Junod, lui ressert ces fredaines invariablement rabâchées par toute une cohorte d’élus rompus à l’art de l’esquive et nullement dérangés par une redoutable « diglossie » qui pend tel un implacable couperet au-dessus de nos têtes. 

Ø Comment la Municipalité de Lausanne en arrive-t-elle à émettre un avis dans un domaine qui n’est nullement dans ses cordes et qu’elle traite par-dessous la jambe ? Les allégations mêmes dont elle s’enorgueillit sont intellectuellement révoltantes et insultantes pour quiconque a encore un zeste de compassion pour un idiome qui dépasse tout ce qu’on a pu produire dans le paysage linguistique mondial. (Cf. mes considérations)

J’accuse l’Exécutif lausannois de la plus crasse hypocrisie en insinuant que « les services municipaux …. doivent se détourner des anglicismes dans l’espace public … » alors qu’il cautionne allègrement – bien qu’il feigne de pousser des cris d’orfraie » -  un implacable processus d’auto-colonisation et de « déculturation »  qui va faire disparaître le français d’ici à deux générations.

Ø Si les rues de Lausanne et de sa banlieue, celles de Genève - avec son aéroport unilatéralement saxon, ainsi que nombre de lieux incriminés en Suisse romande, pouvaient parler, ils hurleraient leur détresse devant tant d’ignominie et de trahison. Du reste, les pauvres touristes francophones, médusés et désorientés, ne s’y trompent pas, eux qui n’y retrouvent plus cette fraîcheur, cette douceur et cette originalité propres aux villes franco-provençales et qui caractérisaient si bien une « latinité » désormais irrémédiablement meurtrie et reléguée dans les poubelles de l’histoire romande.
       
J’accuse les membres de cet « aréopage » vaudois d’avoir laissé le moindre recoin de ce même espace public ouvert à une déferlante anglo-saxonne qui ne s’embarrasse d’aucun stratagème pour mener à bien son implacable besogne « d’arrachage de langue ».
Leur criante irresponsabilité et leur effarante désertion ne laisseront bientôt plus apparaître de la langue française dans leur ville qu’un sordide squelette, à peine « quelques os à ronger » pour ceux qui croyaient encore en elle. 

Ø A cet égard, quand qu’il s’agit de modifier la loi pour des questions liées à certaines publicités sur la voie publique (alcool, cigarettes, ou… sexisme), certain(e)s ministres et autres député(e)s dégainent derechef, rivalisant d’ingéniosité et d’empressement pour pallier la lacune juridique et la question est réglée en cinq sec.

Ø Paradoxalement, dès qu’il est question d’instaurer de semblables dispositions de loi pour enrayer une anglomanie sauvage et illégale et qui hurle son insolence partout dans ce même espace public, nos hauts « dignitaires » laissent resurgir leur détestable esprit de servilité et leur veulerie.

La ministre Mme de Quattro – effarouchée par d’éphémères affiches sexistes - serait bien inspirée ici d’écarquiller les yeux sur une publicité « anglobalisante »  autrement plus indigeste, qui cogne le regard et qui est aussi invasive qu’une tumeur, mais qui, à l’évidence, n’est pas pour l’empêcher de dormir.

           J’accuse cette même Municipalité d’avancer des arguments « bidon » selon lesquels « l’anglicisation des terminologies accompagne l’évolution des innovations … »  En émettant pareille élucubration, elle présente comme un fait accompli la cause même alors qu’il est justement question d’innover dans une langue française parfaitement adaptable, comme on l’a fait pour « ordinateur » à la place de « computer », pour « courriel » au lieu de « mail » et bien d’autres encore…

Ø Faut-il saboter le travail en tout point remarquable des commissions de terminologie – québécoises tout particulièrement – qui œuvrent sans relâche dans le sens d’une reformulation en français de vocables anglais indécemment inutiles ? Nos chers politiciens romands – qui donnent d’eux-mêmes cette image débilitante et infériorisante de bons petits serviteurs avides de recevoir leur récompense pour une automutilation menée avec brio d’ailleurs - n’ont visiblement pas la moindre idée de l’existence de ces organismes, enserrés qu’ils sont dans des poncifs qui ont manifestement la vie dure.

J’accuse l’Exécutif lausannois de vouloir « bâillonner » le français lors de réunions internationales d’entreprises sur le territoire de la commune, invoquant, pour se dédouaner, la sacro-sainte « liberté économique » alors que cette dernière n’a de cesse de ravaler les consciences au niveau de la seule pensée unique, asphyxiant ce qui reste de culture comme on achèverait un chien accusé injustement d’avoir la rage.

Ø Cette sinistre supercherie exprime dans toute sa splendeur un profond dégoût de son patrimoine, une haine de soi et de sa langue », ce même sentiment que la tribu celte des Eduens devait éprouver en se jetant corps et âme dans les griffes du grand maître romain de l’époque.

Ø De plus, le mépris de cette réalité implique de sérieux préjudices d’ordre économique parce que tout renforcement de la diffusion d’une langue entraîne indiscutablement un renforcement parallèle de l’économie. Et qui est seulement disposé à l’entendre ?

Sûrement pas une classe politique francophone trop désireuse de ne pas se démarquer d’une idéologie anglo-saxonne dominante dont elle parachève - et avec quelle fougue - les visées hégémoniques de compactage culturel et humain, ce qui n’est rien d’autre qu’une nouvelle « trahison des clercs » parfaitement consommée.

J’accuse notre élu d’insinuer, toujours avec ce même ton condescendant, que « la langue française ne cesse d’évoluer et de se métisser » alors que c’est justement tout le contraire dont il s’agit, à savoir que le français cesse bel et bien d’évoluer à cause précisément de ces mots saxons « précuits », employés exclusivement et brutalement en lieu et place de vocables français existants…

Ø Qui peut encore ignorer que le français n’a plus le temps d’« usiner » des wagons entiers de ces « anglaiseries » absolument inutiles et imprononçables, que les dictionnaires s’empressent pourtant d’adopter sans le moindre discernement et que le premier quidam venu « engloutit »  comme du bon pain bénit sans en comprendre le moindre sens ?

Ø Quand va-t-on saisir en haut lieu qu’il serait enfin temps de réinventer en français en puisant dans une langue française qui jouit d’un répertoire lexical aux nuances à couper le souffle, véritable mine d’or qui laisse l’anglo-américain à des lieues à la traîne dans tous les registres ? (Cf. mes considérations)

Ø Quand les responsables des ministères romands de la Culture vont-ils prévoir des cours de langue franglais-français et ce glossaire pourtant si indispensable franglais-français à l’intention d’une bonne partie de la population romande – jeunes et aînés – déjà au bord de l’illettrisme, et qui patauge sans le moindre repère dans un bourbier langagier indescriptible ?

J’accuse également M. Sami Kanaan, le maire de Genève (voir courriel en copie) dont la pitoyable prestation épistolaire n’a d’égale que celle de son collègue lausannois. Ses propos à l’emporte-pièce et inintelligibles mettent en pleine lumière sa hargne viscérale à faire du français « le patois » d’une République genevoise qui transpire de tous ses pores un délire anglomaniaque dont se repaît une « élite » qui n’en peut plus d’aise.

Ø Ne parlons même pas de son méconnaissable « Genève aéroport », (aéroport de Genève, en français), vendu à des cols blancs anglomanes peu scrupuleux et ceci au nez et à la barbe de passagers roulés dans une farce révulsante. 

Ø On peut aisément parler, dans le cas de la Suisse romande, de « dévastation dans l’inculture » et il est évident que cette aliénation à la sous-culture dominante marque au fond un réel désir de se voir carrément disparaître de la circulation, six pieds sous terre… qu’on en finisse pour pouvoir mieux se vautrer et s’abimer dans l’autre.

Ø Peut-on sortir grandis, Mesdames et Messieurs les preneurs de décision, en s’aliénant si mesquinement et en prêtant le flanc à une machine infernale qui ne fait que réduire à néant des pans entiers de civilisation, empêchant par là même la langue de Molière de se déployer naturellement dans l’immense culture qu’elle a irriguée ?

Ø En retour, on assiste de toutes parts et en direct à un spectacle grotesque, désolant et dégradant d’ « américanofolie » dans lequel tournent, comme sur un bateau ivre et déchaîné, tous ces pauvres hères de francophones qui prennent pour « un signe de civilisation » ce qui n’est qu’ « une marque d’asservissement ». 

J’accuse avec vigueur tous les responsables politiques de Suisse romande de cracher sur les dispositions pourtant inscrites dans les Constitutions cantonales relatives à l’usage de la langue française et, paradoxalement, d’y faire habilement allusion quand cela les arrange, le temps d’une élection.

On nage en plein surréalisme…

Ø Le feu s’insinue partout dans et autour de la langue française et notre municipal et les responsables de la Culture de nos cantons romands s’en tiennent encore à des scénarios surréalistes et hilarants du genre : « plaider pour l’enseignement prioritaire des langues nationales à l’école… », « développer des partenariats tous azimuts… », « prendre part à des colloques internationaux francophones… », « présider     des commissions dans le but de «  faire rayonner la langue française »   alors que  – quelle tordante fumisterie ! – l’on assiste en haut lieu et jusque dans les ministères des quatre coins de la Romandie au dépeçage d’une langue française que d’aucuns spécialistes considèrent pourtant comme un chef d’œuvre de l’humanité. (Cf. mes considérations)

Mesdames et Messieurs qu’on nomme grands,

Lâchez une bonne fois pour toutes vos idées reçues et vos croyances en la toute-puissance de l’illusion saxonne, cessez de ramper devant des chimères qui nous aliènent toute une façon d’être et de penser.

Allez plutôt contempler, dans le centre de Lausanne, à Genève et dans bien d’autres endroits de Romandie

L’ampleur sans précédent d’un                        désastre culturel

Ø auquel toute la classe politique a contribué par un laxisme et un « je m’en-fichisme » désopilants. Le plus hallucinant est que l’on continuera, dans les hautes sphères, à vanter les mérites du français même quand celui-ci aura disparu.

Mesdames, Messieurs les parlementaires fédéraux,

      Ne voyez-vous donc pas que le ciel angloricain nous tombe sur la tête et que les registres cantonaux (RC) permissifs à outrance et ouverts aux quatre vents inondent l’espace francophone d’enseignes presque exclusivement en anglais ?

Ne vous incombe-t-il pas de faire pression de toute urgence auprès du Gouvernement fédéral pour faire modifier le code des Obligations, avec ses articles 944ss scélérats ou du moins obtenir une modification de la Directive de l’Office fédéral de la justice ?

Bon sang, n’y aurait-il pas une seule âme vaillante parmi vous ou un seul juriste un brin « baroudeur » susceptible de monter aux barricades et montrer ce qu’il a dans le ventre plutôt que de garder les yeux rivés sur d’hypothétiques échéances électorales ?

Ø Faut-il applaudir et hurler avec les loups, en mercenaires iconoclastes, tandis que des zones de non-droit pour la langue française émaillent toute la Romandie, et ceci dans un Etat de droit ? Ce « musellement » dans les règles de l’art, qui constitue en fait un subterfuge anticonstitutionnel, est en train de fouler aux pieds un droit inaliénable à tout être humain, à savoir pouvoir déambuler dignement dans sa propre langue ?

J’accuse avec force conviction les responsables de la presse écrite et parlée de participer activement, et ce par doses savamment calculées et ingénieusement orchestrées, à la substitution calamiteuse d’une langue par une autre, en imposant sournoisement un sabir franglais « incompréhensible », charabia qui est un véritable piège à retardement pour des moutons de Panurge qui ne savent déjà plus à quel idiome se vouer.

Il va de soi que les arguments stériles et imaginaires qui fusent d’ailleurs de tous les milieux, politiques, financiers, économiques et, paradoxalement, culturels, peuvent soit anéantir les meilleures volontés des défenseurs de la langue française, soit au contraire donner des ailes et une folle envie de se battre à une poignée d’irréductibles.

Voyez-vous, nous appartenons à cette dernière catégorie, et il faudra, pour nous faire taire, soit nous museler, soit nous marcher sur le corps encore et encore.

Ce billet sera également porté à la connaissance de toute la presse romande et francophone et, même s’il a n’a pas l’heur d’éveiller la flamme de la plus petite conscience laissera apparaître dans toute sa splendeur la formidable complicité d’une » prétendue » élite bien-pensante dont le réveil risque fort d’avoir un goût salement amer.

Bonne lecture et bon été.
Avec mes salutations distinguées,

                                                                     
Prilly, juillet 2018                                                                                        

Philippe Carron
Av. de Floréal 5
1008 Prilly

Collectif francophone LANGUE FRANçAISE

Responsables : Philippe Carron (Suisse)       et                Louis Maisonneuve (France)